<< Retour aux articles
Image

La semaine du droit pénal spécial

Pénal - Droit pénal spécial
30/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en droit pénal spécial, la semaine du 23 novembre 2020.
Banqueroute – élément intentionnel
« Le 30 décembre 2008, la SCI les Hauts de Feytas (la SCI) a acquis un terrain en vu de la réalisation d’un vaste programme immobilier, financé en totalité par un découvert en compte d’un montant de 1 400 000 euros.
Le 4 juin 2012, l’un des actionnaires de la SCI, a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République pour abus de confiance. Il a reproché aux dirigeants de la S.C.I, MM. X... et Y..., d’avoir détourné une partie de la trésorerie au profit du Groupe ATI, dont ils assuraient également la direction.
Par jugement du tribunal de grande instance en date du 15 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SCI, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 septembre 2013.
L’administrateur provisoire a transmis au procureur de la République le rapport d’expertise comptable établi par le cabinet Exafi, désigné par le tribunal dans le cadre de cette procédure, certaines irrégularités constatées par l’expert lui paraissant relever d’une qualification pénale.
A l’issue des investigations, MM. X... et Y... ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, en qualité de dirigeants de fait ou de droit de la SCI, des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue irrégulière de comptabilité et absence de comptabilité.
Les juges du premier degré ont fixé la date de cessation des paiements au 21 mai 2012 et reconnu les prévenus coupables du délit de banqueroute pour les faits commis à compter de cette date.
MM. X... et Y..., le procureur de la République et les parties civiles ont formé appel du jugement.
 
Vu l’article L. 654-2 4° et 5° du Code de commerce et l’article 121-3 du Code pénal :
Il résulte de ces textes que la caractérisation de l’élément intentionnel des délits de banqueroute par absence de comptabilité ou tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière suppose la seule conscience de son auteur de se soustraire à ses obligations comptables légales.
Elle n’exige pas la preuve que le prévenu a eu la volonté soit d’éviter ou de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements, soit d’affecter la consistance de l’actif disponible dans des conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif exigible.
Pour relaxer les prévenus du chef de banqueroute par tenue d’une comptabilité irrégulière et absence de comptabilité, l’arrêt attaqué, après avoir constaté la tenue irrégulière de la comptabilité de la SCI en 2011 et l’absence de comptabilité de la société en 2012 et 2013, énonce que l’absence totale de comptabilité de la société en 2012 et 2013 s’inscrit dans un contexte de conflit entre les associés qui a notamment entraîné la démission de l’expert comptable et que la cour ne dispose d’aucun élément permettant de considérer que les irrégularités comme le défaut de comptabilité auraient eu lieu dans le but poursuivi par les prévenus de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements ou d’affecter l’actif de la S.C.I. dans des conditions qui allaient la mettre dans l’impossibilité de faire face au passif exigible.
Les juges ajoutent que l’historique de la société, l’implication de MM. X... et Y... et de leurs épouses, l’argent qu’ils ont perdu dans cette opération immobilière, leur personnalité, tous deux se présentant avec un casier judiciaire vierge en dépit d’une longue expérience d’associé ou de gérant de société, et la poursuite de l’activité de la SCI, qui a respecté le plan de redressement mis en place, sont autant d’éléments qui se heurtent à la thèse selon laquelle ils auraient eu l’intention de maintenir artificiellement l’activité de celle-ci avant la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal de grande instance.
En prononçant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
 
Vu les articles 463 et 593 du Code de procédure pénale :
Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision.
Selon le premier de ces textes, il appartient aux juges d’ordonner les mesures d’instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité.
Pour relaxer les prévenus du chef de banqueroute par emploi de moyens ruineux, l’arrêt attaqué retient que la cour d’appel ne dispose d’aucune expertise comptable ordonnée dans le cadre du dossier pénal et qu’il ne peut être déduit des seuls éléments relevés par le cabinet Exafi et des auditions auxquelles il a été procédé dans le cadre de l’enquête pénale que les dirigeants de la société ont eu l’intention, du fait de la souscription de la convention de découvert en compte litigieuse et du non respect de ses conditions initiales, de retarder la date de cessation des paiements.
En statuant ainsi, sans procéder à la recherche, au besoin en ordonnant un supplément d’information, des éléments dont elle reconnaissait elle-même la nécessité, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 19-85.205, P+B+I *
 
 
Perception par un vendeur ou un prestataire de service à crédit d’un paiement avant l’expiration du délai de rétractation – caractérisation
« La société Centre caravaning de l'Oise, ayant pour enseigne « Wattelier père et fils » (société Wattelier) a été poursuivie devant le tribunal correctionnel notamment pour s’être, en sa qualité de vendeur de campingcars, fait remettre par cinq clients un chèque d’acompte avant que le contrat de crédit servant à l’acquisition n’ait été définitivement conclu.
La société Wattelier a été déclarée coupable de ce chef, ainsi que de celui de pratique commerciale trompeuse, et condamnée à la peine de 20 000 euros d’amende.
Elle a relevé appel de cette décision, le procureur de la République ayant interjeté appel incident.

Pour dire établi le délit de perception par un vendeur ou un prestataire de service à crédit d’un paiement avant l’expiration du délai de rétractation, l’arrêt attaqué énonce dans un premier temps que sur les bons de commande
des cinq clients cités en qualité de victimes, il a été indiqué que la vente était faite au comptant alors que ces clients ont cependant eu recours à un crédit à la consommation afin de financer l’acquisition du camping-car, que ce crédit a été contracté le jour même de la vente auprès d’un organisme prêteur partenaire de la société Wattelier et que s’ils ont bénéficié d’une reprise de leur ancien véhicule par cette dernière, ce qui ne pouvait avoir pour effet de transformer cet achat à crédit en achat au comptant, ces clients ont signé et remis au vendeur un chèque d’un montant compris entre 2 000 et 5 000 euros qui leur a été ensuite restitué.
Les juges d’appel relèvent d’autre part que les cinq clients qui ont remis un chèque à la société Wattelier le jour de la conclusion de la vente, ont souscrit ledit crédit pour la totalité du prix d’acquisition du camping-car.
En l’état de ces seules énonciations, et dès lors qu’à l’occasion d’un achat à crédit, la remise par l’acheteur d’un chèque, fût-il non encaissé, avant l’expiration du délai de rétractation, constitue un paiement sous quelque forme que ce soit, la cour d’appel a caractérisé le délit de perception par un vendeur ou un prestataire de service à crédit d’un paiement avant l’expiration du délai de rétractation.
Dès lors, le moyen n’est pas fondé
 ».
Cass. crim., 24 nov. 2020, n° 19-85.829, P+B+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 30 décembre 2020
 
Source : Actualités du droit