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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
02/06/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale.
Garde à vue – rétention douanière – produit stupéfiant – JLD
« Les moyens sont réunis. Vu les articles 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme et L. 1521-18 du Code de la défense : Selon le premier de ces textes, toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires. En application de ce texte, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à trois reprises car des personnes, arrêtées en haute mer et transférées en France, n’avaient pas été présentées à un juge au moment de leur arrivée en France, mais deux jours plus tard (CEDH 27 juin 2013, V et autres c/France, n62736/09, § 58 et 59 ; CEDH 4 décembre 2014, A et autres c/France, n17110/10 et 17301/10, § 55 à 59 ; CEDH 4 décembre 2014, nH et autres c/France, n46695/10 et 54588/10, § 99 à 103). 
 
Selon le texte susvisé du Code de la défense, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition sur un bâtiment de l’État, en application des articles L. 1521-11 et suivants de ce Code, sont mises à la disposition de l’autorité judiciaire. Si elles font l’objet d’une mesure de garde à vue, elles sont présentées dans les plus brefs délais, soit, à la requête du procureur de la République, au juge des libertés et de la détention, soit au juge d’instruction, qui peuvent ordonner leur remise en liberté. 
 
Devant les juges du fond, les prévenus ont soutenu que la procédure était irrégulière, car ils n’avaient pas été présentés au juge des libertés et de la détention, à leur arrivée à Nouméa, le 23 octobre 2017. 
 
Pour rejeter cette exception, la cour d’appel énonce qu’à leur arrivée à Nouméa, ils n’ont pas été soumis à un régime coercitif, mais qu’ils ont procédé, comme tout étranger entrant en Nouvelle-Calédonie, aux formalités douanières, et qu’ils n’ont fait l’objet d’une nouvelle mesure coercitive, une retenue douanière, qu’à compter de la découverte de produits stupéfiants dans le voilier, puis d’une garde à vue, et qu’ils ont été présentés au juge des libertés et de la détention, le 25 octobre 2017, aucune présentation devant le juge des libertés et de la détention n’ayant été nécessaire à leur arrivée sur le sol français, en l’absence de placement en garde à vue à ce moment. 
 
En se déterminant ainsi, alors que les demandeurs, privés de liberté depuis l’arraisonnement, intervenu le 20 octobre 2017, ont été remis, par l’autorité navale, aux fonctionnaires de l’administration des douanes, le 23 octobre 2017, à leur arrivée à Nouméa, puis placés en rétention douanière et en garde à vue sans avoir été présentés au juge des libertés et de la détention, la cour d’appel a méconnu les textes précités. 
 
La cassation est, en conséquence, encourue. 
 
Portée de la cassation 
La cassation sera limitée aux dispositions de l’arrêt ayant rejeté l’exception de nullité prise du défaut de comparution des prévenus devant le juge des libertés et de la détention à leur arrivée à Nouméa ainsi que, par voie de conséquence, aux dispositions relatives aux déclarations de culpabilité et aux peines prononcées. Les dispositions de l’arrêt attaqué, rejetant les exceptions de nullité visées par les trois premiers moyens de cassation, sont maintenues. 
 
PAR CES MOTIFS, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de cassation proposés, la Cour : 
 
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à l’exception de nullité prise du défaut de comparution des prévenus devant le juge des libertés et de la détention à leur arrivée à Nouméa, aux déclarations de culpabilité et aux peines, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 5 juin 2018, les autres dispositions de l’arrêt demeurant expressément maintenues ; Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, 
 
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération prise en chambre du conseil »
 
Cass. crim., 11 mars 2020, n° 18-84.307, P+B+I*
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 juillet 2020  
 
 
Covid-19 – détention provisoire – prorogation – plein droit – office du juge
« Sur le moyen pris en sa quatrième branche 
Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 11, I, 2o, d) de la loi n2020-290 du 23 mars 2020. 
 
L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. 
Tel est le cas en l’espèce. 
 
Il est rappelé que, dans sa décision n2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel. 
 
Sur le moyen pris en ses première et deuxième branches 
L’article 16 de l’ordonnance no2020-303 du 25 mars 2020, prise en application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 précité, dispose : « En matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique, prévus par les dispositions du Code de procédure pénale, qu'il s'agisse des détentions au cours de l'instruction ou des détentions pour l'audiencement devant les juridictions de jugement des affaires concernant des personnes renvoyées à l'issue de l'instruction, sont prolongés de plein droit de deux mois lorsque la peine d'emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans et de trois mois dans les autres cas, sans préjudice de la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner à tout moment, d'office, sur demande du ministère public ou sur demande de l'intéressé, la mainlevée de la mesure, le cas échéant avec assignation à résidence sous surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire lorsqu'il est mis fin à une détention provisoire. Ce délai est porté à six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l'audiencement des affaires devant la cour d'appel. Les prolongations prévues à l'alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans, en matière criminelle ou s'ils encourent une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement. Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure». 
 
Pour faire face au risque sanitaire majeur provoqué par l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a adopté, par décrets, plusieurs mesures afin de limiter sa propagation, dont une mesure de strict confinement de la population. L’article 4 de la loi du 23 mars 2020, précitée, a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. Par un nouveau décret, les mesures prises antérieurement ont été réitérées. C’est dans ce contexte qu’a été adoptée l’ordonnance du 25 mars 2020, dont l’article 16 doit être interprété. 
 
Il convient de déterminer si l’expression « délais maximums de détention provisoire » désigne la durée totale de la détention susceptible d’être subie après l’ultime prolongation permise par le Code de procédure pénale ou si elle désigne la durée au terme de laquelle le titre de détention cesse de produire effet en l’absence de décision de prolongation. 
 
Dès l’entrée en vigueur du texte, cette question a suscité des difficultés majeures d’interprétation, qui ont entraîné des divergences d'analyse par les juridictions de première instance comme d'appel. 
 
L’expression «délais maximums de détention provisoire», mentionnée à l’article 16 de l’ordonnance, ne figure pas aux articles 145-1, 145-2, 179, 181, 509-1 et 380-3-1 du Code de procédure pénale prévoyant la prolongation de la détention provisoire. Les termes « durée maximale » ou « délai maximal » de la détention provisoire apparaissent dans la jurisprudence de la Cour de cassation et désignent alors la durée totale de la détention. Mais, à l’inverse, les articles 145-1 et 145-2 précités énoncent des maximums de détention provisoire dans des hypothèses où la détention peut être prolongée au-delà de ces maximums. 
 
Les autres dispositions de l’article 16 ou les autres articles de l’ordonnance ne permettent pas davantage d’interpréter de façon évidente, dans un sens ou dans l’autre, les termes de « délais maximums ». Ainsi l’alinéa 3 de l’article 16, aux termes duquel « Les prolongations prévues par le présent article ne s’appliquent qu’une seule fois au cours de chaque procédure » garde son utilité même si l’on interprète l’expression « délais maximums » comme visant la durée totale de la détention puisqu’il implique alors que si la prolongation de droit a été appliquée pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pendant l’instruction, elle ne peut plus l’être à nouveau pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pour l’audiencement. 
 
A l’inverse, l’article 19 de l’ordonnance, qui permet au juge, sous certaines conditions, d’organiser un débat sans comparution de la personne détenue et selon une procédure écrite ne suffit pas à exclure l’interprétation selon laquelle l’ordonnance aurait prévu de différer les débats institués par le Code de procédure pénale en vue de la prolongation de la détention provisoire. En effet, en application de l'article 16, la prolongation de plein droit ne peut intervenir qu’à une reprise dans chaque procédure, de sorte qu'en raison de l’incertitude sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, il pouvait apparaître nécessaire de prévoir une procédure simplifiée de prolongation pour les détentions provisoires dont le terme aurait déjà fait l’objet d’une prolongation de plein droit. 
 
Dès lors, l’expression « délais maximums de détention provisoire » ne permet pas, à elle seule, de déterminer la portée de l’article 16. 
 
En revanche, il convient d’observer que la prolongation de « plein droit » des délais maximums de détention provisoire ne peut être interprétée que comme signifiant l’allongement de ces délais, pour la durée mentionnée à l’article 16, sans que ne soit prévue l’intervention d’un juge. 
 
Or, il serait paradoxal que l’article 16 ait prévu que l’allongement de la durée totale de la détention s’effectue sans intervention judiciaire tandis que l’allongement d’un titre de détention intermédiaire serait subordonné à une décision judiciaire. 
 
Il convient d’en déduire que l’article 16 s’interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure. 
 
Au surplus, cette lecture de l’article 16 n’est pas en contradiction avec l’article 1 , III, 2 , de la loi n 2020-54 er o o 6 du 11 mai 2020 qui a introduit un article 16-1 dans l’ordonnance mettant fin aux prolongations de plein droit prévues à l’article 16 et dont il résulte que celles-ci s’appliquaient soit à une échéance intermédiaire, soit à la dernière échéance possible de la détention provisoire. 
 
Dès lors, les deux premières branches du moyen ne sont pas fondées. Sur le moyen pris en sa troisième branche 22. Il y a lieu d’examiner si, ainsi interprété, l’article 16 excède les limites de l’article 11, I, 2o) d) de la loi d’habilitation du 23 mars 2020. 
 
Afin, d’une part, de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et de tenir compte des mesures prises pour limiter cette propagation, d’autre part, de limiter la propagation de l’épidémie parmi les personnes participant aux procédures en cause, l’article 11 précité a autorisé le Gouvernement à adapter le déroulement et la durée des détentions provisoires pour permettre l’allongement des délais de détention et la prolongation de ces mesures selon une procédure écrite. 
Il s’ensuit que le Gouvernement a pu prévoir, sans excéder les limites de la loi d’habilitation, la prolongation de plein droit des titres de détention au cours de l’instruction ou lors de l’audiencement, à une reprise, pour les durées prévues à l’article 16. 
 
Le grief n’est dès lors pas fondé. Sur le moyen pris en sa quatrième branche 
L’ordonnance précitée a prévu l’allongement des délais de détention sur le fondement de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020. 
 
Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à cet article. 
 
En conséquence, il n’appartient pas à la Cour de cassation d’apprécier la conformité à la Constitution de l'article 16 de l'ordonnance prise en application de ladite loi. 29. Cette branche est dès lors irrecevable. Mais sur le moyen pris en ses cinquième et sixième branches Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et 181 du Code de procédure pénale : 
Il résulte du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire. 
 
Selon le second, l'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s'il était alors détenu, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire. Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 du Code de procédure pénale et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois. 
 
Il convient de s'interroger sur le point de savoir si les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont conformes à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant rappelé qu’à ce jour, la France n’a pas exercé le droit de dérogation, prévu à l’article 15 de ladite Convention. 
 
D’une part, l’article 16 maintient, de par le seul effet de la loi et sans décision judiciaire, des personnes en détention, au delà de la durée du terme fixé dans le mandat de dépôt ou l’ordonnance de prolongation, retirant ainsi à la juridiction compétente le pouvoir d’apprécier, dans tous les cas, s’il y avait lieu d’ordonner la mise en liberté de la personne détenue. 
 
D’autre part, ce même texte conduit à différer, à l’égard de tous les détenus, l’examen systématique, par la juridiction compétente, de la nécessité du maintien en détention et du caractère raisonnable de la durée de celle-ci. 
 
Or, l’exigence conventionnelle d’un contrôle effectif de la détention provisoire ne peut être abandonnée à la seule initiative de la personne détenue ni à la possibilité pour la juridiction compétente d’ordonner, à tout moment, d’office ou sur demande du ministère public, la mainlevée de la mesure de détention. 
 
Aussi l’article 16 de l’ordonnance ne saurait-il être regardé comme compatible avec l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et la prolongation qu’il prévoit n’est-elle régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d’expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention. 
 
Même en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles résultant du contexte épidémique, lorsque la personne n’a pas encore été jugée en première instance, un tel délai, au sens de l’article 5 précité, ne peut être supérieur à un mois en matière délictuelle et à trois mois en matière criminelle. Après une condamnation en première instance, cette limite est portée à trois mois en matière tant correctionnelle que criminelle, les faits reprochés à l’intéressé ayant alors déjà été examinés au fond par une juridiction. 
 
Dans cet office, il appartient au juge d’exercer le contrôle qui aurait été le sien s’il avait dû statuer sur la prolongation de la détention provisoire, et ce dans le cadre d'un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l'article 19 de l'ordonnance. 
 
Ce contrôle judiciaire a eu lieu lorsque, en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a, dans le respect de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai visé au paragraphe 37. Il doit être considéré également que ce contrôle a eu lieu lorsque, dans le délai visé au paragraphe 37, la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d’office ou lors de l’examen d’une demande de mise en liberté. 
 
Dans les autres cas, si l'intéressé n'a pas, entre-temps, fait l'objet d'un nouveau titre de détention, il incombe au juge d’effectuer ce contrôle dans les délais énoncés au paragraphe 37, à moins que, dans ce délai, il n’ait déjà exercé son contrôle en application de l’article 16-1, alinéa 5, de l’ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020. 
 
A défaut d’un tel contrôle et sauf s'il est détenu pour autre cause, l’intéressé doit être immédiatement remis en liberté. 
 
En l’espèce, l’arrêt, après avoir relevé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondé de la prolongation de la détention, énonce que la saisine de la chambre de l’instruction est devenue sans objet, le délai de comparution devant la cour d’assises ayant été prolongé de six mois de plein droit. 
 
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 
 
En effet, saisie par requête du procureur général aux fins de prolongation de la détention provisoire, il lui appartenait de statuer sur la nécessité du maintien en détention de l’accusé, qui sollicitait d’ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire. 
La cassation est dès lors encourue. 
 
PAR CES MOTIFS, la Cour :
 CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 8 avril 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; 
 
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; 
 
DIT que la chambre de l'instruction de renvoi devra statuer dans le délai prévu au paragraphe 37 du présent arrêt ; 
 
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé »  
 
Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910, P+B+I
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 juillet 2020  
 
 
Covid-19 – détention provisoire – prorogation – plein droit – office du juge
« Sur le moyen pris en sa septième branche 8. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 11, I, 2o, d) de la loi n2020-290 du 23 mars 2020. 9. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. 
Tel est le cas en l’espèce. 
 
Il est rappelé que, dans sa décision n2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel. 
 
Sur le moyen pris en sa troisième branche 
Contrairement à ce qui est soutenu, la chambre de l’instruction ne s’est pas déclarée incompétente pour contrôler la légalité de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur le fondement de l’article 111-5 du Code pénal mais s’est bornée à énoncer qu’en cas d’illégalité, elle ne pourrait annuler celle-ci mais seulement en écarter l’application dans la procédure en cours. 
 
Dès lors, cette branche du moyen manque en fait. Sur le moyen pris en ses première et deuxième branches 14. L’article 16 de l’ordonnance n2020-303 du 25 mars 2020, prise en application de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 précité, dispose : « En matière correctionnelle, les délais maximums de détention provisoire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique, prévus par les dispositions du Code de procédure pénale, qu'il s'agisse des détentions au cours de l'instruction ou des détentions pour l'audiencement devant les juridictions de jugement des affaires concernant des personnes renvoyées à l'issue de l'instruction, sont prolongés de plein droit de deux mois lorsque la peine d'emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans et de trois mois dans les autres cas, sans préjudice de la possibilité pour la juridiction compétente d'ordonner à tout moment, d'office, sur demande du ministère public ou sur demande de l'intéressé, la mainlevée de la mesure, le cas échéant avec assignation à résidence sous surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire lorsqu'il est mis fin à une détention provisoire. Ce délai est porté à six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l'audiencement des affaires devant la cour d'appel. Les prolongations prévues à l'alinéa précédent sont applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans, en matière criminelle ou s'ils encourent une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement. Les prolongations prévues par le présent article ne s'appliquent qu'une seule fois au cours de chaque procédure». 
 
Pour faire face au risque sanitaire majeur provoqué par l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a adopté, par décrets, plusieurs mesures afin de limiter sa propagation, dont un strict confinement de la population. L’article 4 de la loi du 23 mars 2020, précitée, a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l’ensemble du territoire national. Par un nouveau décret, les mesures prises antérieurement ont été réitérées. C’est dans ce contexte qu’a été adoptée l’ordonnance du 25 mars 2020, dont l’article 16 doit être interprété. 
 
Il convient de déterminer si l’expression « délais maximums de détention provisoire » désigne la durée totale de la détention susceptible d’être subie après l’ultime prolongation permise par le Code de procédure pénale ou si elle désigne la durée au terme de laquelle le titre de détention cesse de produire effet en l’absence de décision de prolongation. 
 
Dès l’entrée en vigueur du texte, cette question a suscité des difficultés majeures d’interprétation, qui ont entraîné des divergences d'analyse par les juridictions de première instance comme d'appel. 
 
L’expression «délais maximums de détention provisoire», mentionnée à l’article 16 de l’ordonnance, ne figure pas aux articles 145-1, 145-2, 179, 181, 509-1 et 380-3-1 du Code de procédure pénale prévoyant la prolongation de la détention provisoire. Les termes « durée maximale » ou « délai maximal » de la détention provisoire apparaissent dans la jurisprudence de la Cour de cassation et désignent alors la durée totale de la détention. Mais, à l’inverse, les articles 145-1 et 145-2 précités énoncent des maximums de détention provisoire dans des hypothèses où la détention peut être prolongée au-delà de ces maximums. 
 
Les autres dispositions de l’article 16 ou les autres articles de l’ordonnance ne permettent pas davantage d’interpréter de façon évidente, dans un sens ou dans l’autre, les termes de « délais maximums ». Ainsi l’alinéa 3 de l’article 16, aux termes duquel « Les prolongations prévues par le présent article ne s’appliquent qu’une seule fois au cours de chaque procédure » garde son utilité même si l’on interprète l’expression « délais maximums » comme visant la durée totale de la détention puisqu’il implique alors que si la prolongation de droit a été appliquée pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pendant l’instruction, elle ne peut plus l’être à nouveau pour augmenter la durée totale de la détention provisoire pour l’audiencement. 
 
A l’inverse, l’article 19 de l’ordonnance, qui permet au juge, sous certaines conditions, d’organiser un débat sans comparution de la personne détenue et selon une procédure écrite ne suffit pas à exclure l’interprétation selon laquelle l’ordonnance aurait prévu de différer les débats institués par le Code de procédure pénale en vue de la prolongation de la détention provisoire. En effet, en application de l'article 16, la prolongation de plein droit ne peut intervenir qu’à une reprise dans chaque procédure, de sorte qu'en raison de l’incertitude sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, il pouvait apparaître nécessaire de prévoir une procédure simplifiée de prolongation pour les détentions provisoires dont le terme aurait déjà fait l’objet d’une prolongation de plein droit. 21. Dès lors, l’expression « délais maximums de détention provisoire » ne permet pas, à elle seule, de déterminer la portée de l’article 16.
 
En revanche, il convient d’observer que la prolongation de « plein droit » des délais maximums de détention provisoire ne peut être interprétée que comme signifiant l’allongement de ces délais, pour la durée mentionnée à l’article 16, sans que ne soit prévue l’intervention d’un juge. 
 
Or, il serait paradoxal que l’article 16 ait prévu que l’allongement de la durée totale de la détention s’effectue sans intervention judiciaire tandis que l’allongement d’un titre de détention intermédiaire serait subordonné à une décision judiciaire. 
 
Il convient d’en déduire que l’article 16 s’interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure. 
 
Au surplus, cette lecture de l’article 16 n’est pas en contradiction avec l’article 1 , III, 2 de la er o loi n2020-546 du 11 mai 2020 qui a introduit un article 16-1 dans l’ordonnance mettant fin aux prolongations de plein droit prévues à l’article 16 et dont il résulte que celles-ci s’appliquaient soit à une échéance intermédiaire, soit à la dernière échéance possible de la détention provisoire. 
 
Dès lors, les deux premières branches du moyen ne sont pas fondées. Sur le moyen pris en sa quatrième branche 27. Il y a lieu d’examiner si, ainsi interprété, l’article 16 excède les limites de l’article 11, I, 2o, d) de la loi d’habilitation du 23 mars 2020. 
 
Afin, d’une part, de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et de tenir compte des mesures prises pour limiter cette propagation, d’autre part, de limiter la propagation de l’épidémie parmi les personnes participant aux procédures en cause, l’article 11 précité a autorisé le Gouvernement à adapter le déroulement et la durée des détentions provisoires pour permettre l’allongement des délais de détention et la prolongation de ces mesures selon une procédure écrite. 29. Il s’ensuit que le Gouvernement a pu prévoir, sans excéder les limites de la loi d’habilitation, la prolongation de plein droit des titres de détention au cours de l’instruction ou lors de l’audiencement, à une reprise, pour les durées prévues à l’article 16. 
 
Le grief n’est dès lors pas fondé. Sur le moyen pris en sa cinquième branche 31. L’ordonnance précitée a prévu l’allongement des délais de détention sur le fondement de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020. 32. Par arrêt de ce jour, la chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à cet article. 
 
En conséquence, il n’appartient pas à la Cour de cassation d’apprécier la conformité à la Constitution de l'article 16 de l'ordonnance prise en application de ladite loi. 34. Cette branche est dès lors irrecevable. Mais sur le moyen pris en sa sixième branche Vu les articles 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et 145- 2 du Code de procédure pénale : 
Il résulte du premier de ces textes que lorsque la loi prévoit, au-delà de la durée initiale qu'elle détermine pour chaque titre concerné, la prolongation d'une mesure de détention provisoire, l'intervention du juge judiciaire est nécessaire comme garantie contre l'arbitraire. 
 
Selon le second, en matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà d'un an. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3 du Code de procédure pénale, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 dudit Code et rendue après un débat contradictoire. 
 
Il convient de s'interroger sur le point de savoir si les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance sont conformes à l'article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant rappelé qu’à ce jour, la France n’a pas exercé le droit de dérogation, prévu à l’article 15 de ladite Convention. 
 
D’une part, l’article 16 maintient, de par le seul effet de la loi et sans décision judiciaire, des personnes en détention, au delà de la durée du terme fixé dans le mandat de dépôt ou l’ordonnance de prolongation, retirant ainsi à la juridiction compétente le pouvoir d’apprécier, dans tous les cas, s’il y avait lieu d’ordonner la mise en liberté de la personne détenue. 
 
D’autre part, ce même texte conduit à différer, à l’égard de tous les détenus, l’examen systématique, par la juridiction compétente, de la nécessité du maintien en détention et du caractère raisonnable de la durée de celle-ci. 
 
Or, l’exigence conventionnelle d’un contrôle effectif de la détention provisoire ne peut être abandonnée à la seule initiative de la personne détenue ni à la possibilité pour la juridiction compétente d’ordonner, à tout moment, d’office ou sur demande du ministère public, la mainlevée de la mesure de détention. 
 
Aussi l’article 16 de l’ordonnance ne saurait-il être regardé comme compatible avec l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et la prolongation qu’il prévoit n’est-elle régulière que si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, dans un délai rapproché courant à compter de la date d’expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention. 
 
Même en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles résultant du contexte épidémique, lorsque la personne n’a pas encore été jugée en première instance, un tel délai, au sens de l’article 5 précité, ne peut être supérieur à un mois en matière délictuelle et à trois mois en matière criminelle. Après une condamnation en première instance, cette limite est portée à trois mois en matière tant correctionnelle que criminelle, les faits reprochés à l’intéressé ayant alors déjà été examinés au fond par une juridiction.
 
Dans cet office, il appartient au juge d’exercer le contrôle qui aurait été le sien s’il avait dû statuer sur la prolongation de la détention provisoire, et ce dans le cadre d'un débat contradictoire tenu, le cas échéant, selon les modalités prévues par l'article 19 de l'ordonnance. 
 
Ce contrôle judiciaire a eu lieu lorsque, en première instance ou en appel, la juridiction compétente, saisie de la question de la prolongation de plein droit de la détention provisoire, a, dans le respect de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle, statué sur la nécessité de cette mesure dans le délai visé au paragraphe 42. 
 
Il doit être considéré également que ce contrôle a eu lieu lorsque, dans le délai visé au paragraphe 42, la juridiction compétente a statué sur la nécessité de la détention, d’office ou lors de l’examen d’une demande de mise en liberté. 
 
Dans les autres cas, si l'intéressé n'a pas, entre-temps, fait l'objet d'un nouveau titre de détention, il incombe au juge d’effectuer ce contrôle dans les délais énoncés au paragraphe 42, à moins que, dans ce délai, il n’ait déjà exercé son contrôle en application de l’article 16-1, alinéa 5, de l’ordonnance du 25 mars 2020, introduit par la loi du 11 mai 2020. 
 
A défaut d’un tel contrôle et sauf s'il est détenu pour autre cause, l’intéressé doit être immédiatement remis en liberté. 
 
En l’espèce, pour confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, l’arrêt, après avoir rejeté l’exception d’illégalité de l’article 16 de l’ordonnance, énonce, sans autre analyse, que le juge n’a pu que constater que la détention provisoire de M.H a été prolongée de plein droit pour une durée de six mois. 
 
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 
 
En effet, saisie de la question de la prolongation de la détention provisoire, il lui appartenait de statuer sur la nécessité du maintien en détention de la personne mise en examen, qui sollicitait d’ailleurs sa mise en liberté dans son mémoire. 
 
La cassation est dès lors encourue. 
 
PAR CES MOTIFS, la Cour : 
Sur le pourvoi formé le 17 avril 2020 Le DÉCLARE IRRECEVABLE ; Sur le pourvoi formé le 15 avril 2020 
 
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 avril 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; 
 
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; 
 
DIT que la chambre de l'instruction de renvoi devra statuer dans le délai prévu par le paragraphe 42 du présent arrêt, ce délai ne s'imposant que si entre-temps le juge des libertés et de la détention saisi par le juge d’instruction n’a pas lui-même statué sur la nécessité du maintien en détention provisoire ; auquel cas, la chambre de l’instruction devra statuer dans le délai prévu à l'article 194-1 du Code de procédure pénale »
 
Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971, P+B+I*

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 juillet 2020  
 
Source : Actualités du droit