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Covid-19: Routiers au bord de la crise de nerf

Social - Santé, sécurité et temps de travail, Contrat de travail et relations individuelles
Transport - Logistique, Informations professionnelles, Route
20/03/2020
Depuis le début de la crise sanitaire, les conducteurs routiers ont vus leurs conditions de travail se dégrader sensiblement: interdits de relais routiers, les voici privés de toilettes et de douches sur les aires d’autoroutes et de machines à café sur les plateformes logistiques. Un arrêté tente d'améliorer leur sort mais à la crise sanitaire pourrait succéder une crise sociale, dans une profession pourtant consciente de son rôle indispensable et fière d’assumer actuellement une mission de salut public.
L’arrêté publié ce jour aura pris son temps pour venir soutenir des conducteurs routiers au bord de l’explosion. Depuis le début de la crise covid-19, ils multiplient les témoignages de ces changements de comportement opérés chez leurs clients, perçus comme autant de brimades : lors d’une livraison ou d’un chargement, l’accès aux toilettes ou à la salle de repos du site, pourtant visité depuis de nombreuses années à chaque tournée, leur a été soudainement interdit. Dans certains entrepôts, des panneaux interdisant l’accès aux routiers ont fleuri sur les machines à café, de peur d’une éventuelle contamination.

L’annonce de la fermeture de « certains établissements recevant du public » (arrêté du 14 mars 2020, complété le 15 et le 16, JO du 15, 16 et 17 mars) a enfoncé le clou : en contraignant les restaurants routiers à baisser le rideau comme les autres, le gouvernement a privé les conducteurs de leurs points de ravitaillement. Et de leurs lieux de pause. Car quelques heures plus tard, ce sont les magasins des stations-service d’autoroutes qui ont eux aussi fermé boutique. L’aire d’autoroute est toujours ouverte, l’accès aux pompes est autorisé au paiement par carte bancaire… et le reste du site est fermé, le personnel étant confiné comme ailleurs. Dans d’autres cas, c’est l’entièreté de la station qui est interdite d’accès, y compris pour l’achat de carburant. Le nombre de places de parking s’est réduit comme peau de chagrin pour les pauses réglementaires.

Autant dire que, pour un livreur qui part la journée comme pour un grand routier faisant plusieurs découchées, se doucher, aller aux toilettes, manger, dormir, devient impossible. Sur les réseaux sociaux, les témoignages s’enchaînent : certains racontent qu’ils ont dû faire leurs ablutions dans les stations de lavage… de leurs bennes. D’autres témoignent du fait que sur les sites de livraisons, les bornes d’enregistrement ne sont pas nettoyées et qu’ils n’ont pas les moyens de se laver les mains après les avoir touchées, par manque de solution hydroalcoolique.

Devant la menace syndicale exprimée par FO Transports et la CGT de pousser les salariés à exercer leurs droits de retrait face à cette dégradation des conditions de travail, les fédérations n’ont pas tardé à se manifester auprès des pouvoirs publics. Dans un communiqué commun daté du 17 mars, la FNTR, TLF et l’OTRE mettaient l’accent sur la mise en place rapide de « toutes les mesures possibles d’accompagnement pour faciliter le travail des transporteurs, notamment des conducteurs, et des logisticiens, pour pouvoir assurer la continuité du fret de marchandises en France ». Parmi les décisions préconisées, un assouplissement des interdictions de circuler habituelles et des règles concernant l’amplitude du temps de travail.

L’arrêté, d’application immédiate, n’a pas la portée escomptée : s’il oblige les lieux de chargement et de déchargement à ouvrir leurs points d’eau aux routiers, quand ils en sont dotés, s’il contraint les cabines à être équipées d’eau, de savon et de lingettes ou de gel hydroalcoolique, s’il prévoit que le document de transport peut être signé « sans contact entre les personnes », il ne contraint nullement les concessionnaires d’autoroutes à ouvrir l’accès de leurs sites.

Pendant ce temps, de petits malins font feu de tout bois : un conducteur routier s’est vu proposer l’accès à une douche sur une aire d’autoroute moyennant 6€…
Source : Actualités du droit