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L’interdiction de prises d’images et de sons en audience confirmée par le Conseil constitutionnel

Pénal - Vie judiciaire
06/12/2019
Faut-il déclarer inconstitutionnelle la loi interdisant l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer de fixer ou de transmettre la parole ou l’image lors d’un procès ? Le Conseil constitutionnel a tranché.
Le 3 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.
 
En cause : l’interdiction d’employer tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires. La cession ou publication de tout enregistrement ou document obtenu en violation de ces dispositions est également punie. La loi de 1881 prévoit ainsi une peine d’amende et la confiscation du matériel en cas de non-respect de l’interdiction.
 
Une seule exception est prévue par l’article 38 ter et reste soumise à de strictes conditions : « sur demande présentée avant l'audience, le président peut autoriser des prises de vues quand les débats ne sont pas commencés et à la condition que les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent ».
 
La requérante, condamnée en février dernier à 2 000 euros d’amende pour avoir publié deux photos prises illégalement lors d’un procès, et l’association intervenante contestent cette interdiction et relèvent que l'évolution des techniques d’enregistrement et de captation ainsi que le pouvoir de police de l’audience suffisent à assurer la sérénité des débats, la protection des droits des personnes et l’impartialité des magistrats. L’association dénonce aussi une méconnaissance de la liberté d’expression et de communication car le législateur n’a pas prévu « d'exception à cette interdiction afin de tenir compte de la liberté d'expression des journalistes et du “droit du public de recevoir des informations d'intérêt général“ ». La peine d’amende en cas de non-respect de l’interdiction contreviendrait-elle dès lors au principe de nécessité des délits et des peines ?
 
Rappelons que pendant longtemps, les journalistes étaient libres de capter des images lors d’un procès. Mais prenant trop d’ampleur, le déroulement des audiences était perturbé. Le législateur est donc venu interdire l’emploi de ces appareils en 1954 (L. 6 déc. 1954, n° 54-1218).
 
Les Sages indiquent dans un premier temps que la liberté d’expression et de communication est prévue à l’article 11 de la DDHC de 1789. L’exercice de cette liberté « est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». Ainsi, les limites à l’exercice doivent être « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ».

Ensuite le Conseil constitutionnel assure que :
  • le législateur, en instaurant cette interdiction, a voulu garantir la sérénité des débats au regard des éventuelles perturbations liées à l’utilisation des appareils, objectif répondent au principe constitutionnel de bonne administration de la justice ; 
  • le législateur a aussi voulu prévenir les atteintes au droit au respect de la vie privée des parties et des personnes participants aux débats, à la sécurité des acteurs judiciaires mais aussi au respect de la présomption d’innocence de la personne poursuivie ;
  • l'interdiction permet de prévenir la diffusion d’images ou d’enregistrements pouvant perturber les débats, même si les dispositifs peuvent ne pas perturber eux-mêmes le déroulement de l’audience ;
  • du fait de l’évolution des moyens de communication, il est possible que la diffusion ait un retentissement important pouvant amplifier le risque qu’il soit porté atteintes aux intérêts précités ;
  • l'interdiction ne prive pas le public de la possibilité de rendre compte des débats par tout autre moyen (live tweet, posts sur Facebook, croquis, etc.), notamment pendant le déroulement, sous réserve du pouvoir de police du président de l’audience.
Ainsi, pour les Sages « l’atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui résulte des dispositions contestées est nécessaire, adaptée et proportionnalité aux objectifs poursuivis ». Les dispositions contestées doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Cons. const., 6 déc. 2019, n° 2019-817 QPC
 
Source : Actualités du droit