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Numérique en détention : le futur outil pour améliorer les relations en prison

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
19/10/2018
Le ministère de la Justice a présenté, le 15 octobre 2018, parmi de nombreux autres projets informatiques, le Numérique en détention (NED), un outil à destination des agents de l’administration pénitentiaire, mais aussi des détenus et de leurs familles, qui devrait être expérimenté à partir de l’été 2019.
« Le Numérique en détention (NED) est un projet de modernisation important puisqu’il va mettre les établissements pénitentiaires au diapason de la société, où l’outil informatique est présent partout, alors qu’il l’est très peu en détention », a déclaré Pierre Azzopardi, sous-directeur du pilotage et du soutien des services à la direction de l'administration pénitentiaire.

Cet outil, qui a vocation à améliorer les relations et la vie quotidienne au sein des établissements pénitentiaires, sera accessible pour les détenus dans trois endroits différents : les salles d’activité, les coursives, mais aussi les cellules afin de libérer du temps pour les agents qui n’auront plus alors à accompagner les détenus dans les deux premiers endroits.

La phase de conception de la solution informatique en mode agile a débuté cet été avec la Direction des services informatiques (DSI) du ministère de la Justice. Des ateliers sont organisés au sein des établissements pénitentiaires avec les personnels et certains détenus pour concevoir les interfaces et le parcours utilisateur, afin de s’assurer de répondre aux besoins exprimés.

La première version sera livrée en juin 2019 et testée par trois établissements pilotes (Meaux, Dijon et Nantes) jusque fin 2019. À l'issue du bilan et d'éventuels ajustements, la généralisation est prévue à partir de 2020.

Dématérialiser des actes de la vie courante en détention

Le NED vise à dématérialiser des actes quotidiens de la vie en détention, qui nécessitent aujourd’hui soit une présence physique soit l’utilisation de formulaires papier. Avec le NED, a indiqué M. Azzopardi, « on attend la suppression de tâches très chronophages pour le personnel, de la fluidité dans les démarches, mais également de permettre aux détenus de se familiariser ou de rester en contact avec l’outil pendant le temps de la détention ».

Plus exactement, cet outil doit remplir quatre objectifs, a précisé Philippe Courpron, en charge du projet informatique :
– décharger les agents pénitentiaires de tâches administratives chronophages qui sont venues avec le temps s’ajouter à leurs missions initiales de surveillance et de préparation à la réinsertion ;
– donner aux détenus et à leurs proches un peu plus d’autonomie dans la gestion du quotidien de la détention, en transférant de l’agent pénitentiaire à l’usager la réalisation de certains actes ;
– intégrer au travers du NED, les partenaires de l’administration pénitentiaire, plus spécialement les partenaires pédagogiques que sont l’Éducation nationale et le CNED ;

– responsabiliser le détenu et lui donner plus de possibilités dans la préparation de sa sortie et de sa réinsertion.
Ces différents objectifs se traduisent en trois portails présents dans le NED : portail des agents, portail du détenu, portail grand public.

Portail des détenus : « supprimer des irritants »

Plusieurs services vont être proposés au détenu. Tout d’abord, il pourra saisir ses questions et s’inscrire à des activités de manière dématérialisée dans des formulaires qui le guideront et arriveront directement dans le service concerné.

Le détenu pourra par ailleurs accéder à une cantine numérique, pour y commander des produits (chocolat, cigarettes, gâteaux, etc.), y compris culturels, avec son pécule (argent qu’il possède, gagné ou envoyé par ses proches).

Ces deux services permettront de « supprimer un certain nombre d’irritants », a expliqué Philippe Courpron. Aujourd’hui ces demandes se font par le biais de formulaires papier, parfois difficiles à déchiffrer par les agents pénitentiaires. En outre, les formulaires sont parfois adressés ou reçus trop tard pour que la demande puisse être satisfaite, ce qui génère des crispations entre les détenus et les agents. Avec le NED, toutes les demandes seront plus faciles à remplir pour les détenus ayant des difficultés avec la langue française ou l’écrit, puis adressées instantanément au bon service sans risque d’être égarées ou mal routées. En outre, elles seront tracées, ce qui permettra, par exemple, de vérifier que les commandes de produit ont été faites dans les délais impartis. Par le biais de cet outil, le ministère de la Justice pourra également disposer de statistiques sur l’activité en détention.

Enfin, le dernier service proposé au détenu sera l’environnement numérique de travail : celui-ci mettra à sa disposition un certain nombre de modules pédagogiques et de formations conçus avec l’Éducation nationale, le CNED ou le CNAM, pour compléter une activité scolaire ou une formation qu’il suit déjà au sein de l’établissement pénitentiaire, ou lui offrir la possibilité de suivre une activité scolaire/une formation que l’établissement pénitentiaire ne propose pas.

Portail grand public : faciliter les relations avec les proches

Mis à disposition des proches des détenus, il sera accessible via une application smartphone ou un site internet avec pour mode d’authentification France Connect.

Deux services y seront proposés :
– l’alimentation du pécule : aujourd’hui les proches doivent utiliser soit le mandat de justice qui passe par la Poste mais va disparaître en fin d’année, soit le virement bancaire vers l’établissement qui crédite le compte du détenu. Cette dernière solution fonctionne bien mais les proches oublient souvent d’indiquer le destinataire du virement qui est alors rejeté par l’établissement, ce qui crée des tensions. Avec le NED, l’alimentation se fera via une transaction de carte bancaire et l’identification du détenu destinataire sera la première étape à respecter ;
– la réservation du parloir : à l’heure actuelle, pour réserver un parloir, une personne qui détient un permis de visite doit se rendre à l’établissement ou appeler une plateforme téléphonique en journée, ce qui n’est pas toujours évident. Demain il sera possible de voir les créneaux horaires disponibles directement sur le NED et d’en réserver un, sans avoir besoin de la validation d’un agent.

Il y aura également des pages d’informations, notamment sur les règles de l’établissement et les activités qui sont autorisées dans les parloirs.

Portail des agents : réduire et faciliter les tâches administratives

Aucun service ne sera créé pour eux en tant que tel. Les agents s’assureront surtout du respect des règles de sécurité et d’utilisation du NED : ils auront pour cela accès à certaines données leur permettant d’avoir une visibilité de l’activité en détention (requêtes, commandes cantines, etc.).

Les professeurs auront également accès à l’environnement numérique de travail au sein de l’établissement pénitentiaire : ils pourront ainsi récupérer des exercices faits par les détenus ou animer un cours.
Source : Actualités du droit